Coin lecture: Pits & Perils (VO)

 Une de mes plus récentes lectures rôlistiques a été le très inattendu Pits & Perils, de James et Robyn George (dans sa version originale), un jeu qui se revendique d’une mouvance old school tout en étant une création profondément originale et contemporaine. J’ai une fascination pour le mouvement OSR (Old School Renaissance, la tendance actuelle à essayer d’émuler les anciennes façon de jouer), même si je dois avouer qu’après m’y être essayé derrière l’écran (et même un peu devant), je ne suis pas sûr d’arriver à intégrer l’héritage wargame qui plane sur l’époque.

Néanmoins, je feuillette régulièrement du OSR, et Pits & Perils a retenu mon attention quand même…





Un mot sur la forme…


Pits & Perils est marrant dans sa mise en page, parce que pour parfaire le feeling des jeux à l’ancienne, qui étaient souvent tapés à la machine et photocopiés pour une distribution tout sauf régulière, les auteurs du jeu a pris le parti d’émuler cette forme.
On a ainsi un bouquin de près de 80 pages (en VO) qui se déroule d’une traite en typo machine à écrire, avec une mise en forme pour ainsi dire inexistante à part quelques majuscules et tabulations. Je n’arrive pas à me décider si je trouve ça charmant plus que ça ne me pique les yeux, mais au moins le pari de l’ambiance d’époque est gagné sur ce point. Et puis une fois dedans, je l’ai lu, quand même, ce qui prouve bien que quelque chose marche là dedans.


Et trois mots sur le jeu…


Je ne vais pas faire une analyse détaillée de tout le jeu, mais dans les grandes lignes, c’est un jeu médiéval fantastique tendance low-fantasy (plus terre à terre que Dungeons & Dragons par exemple, avec un fantastique rare mais puissant), à base de classes et de niveaux. Le système de résolution est entièrement basé sur 2d6, avec de rares modificateurs, et un succès sur 7+ ou 9+ selon les circonstances.

Fait notable, il n’y a pas la célèbre « moulinette du premier niveau » qui rend les personnages débutants si friables que la mortalité est étourdissante, et même si à priori une certaine prudence est conseillée, des aventuriers niveau 1 ont quand même un peu de ressource et de potentiel.
2d6 pour tout faire.
En soi, le système tient dans un mouchoir de poche

Détail aussi, mais avec clairement son importance au vu de la simplicité mécanique à proprement parler, il est recommandé par les auteurs (et la plupart des gens qui ont testé le jeu par ailleurs) de jouer avec des figurines pour les mouvements et positionnements, un héritage du placement tactique des wargames qui fait toute la différence dans les combats. En me basant sur la simple lecture des règles, ça me paraît en tout cas très pertinent.

Le livre de base est dénué de scénario, mais contient tout ce qu’il faut pour jouer à part ça, de la création de personnage jusqu’au bestiaire très fourni (là aussi, la simplicité des règles fait tenir un monstre en une poignée de caractères et de chiffres, en dehors de sa description), mais la communauté anglophone derrière le jeu est extrêmement active, et plusieurs scenari ainsi que des guides avec des règles optionnelles sont disponibles pour des prix modiques.

NB : Le jeu est aussi depuis peu disponible en français chez le Grümph, et avec le double en nombre de pages, mais n’ayant pas mis le nez dans le VF, je ne peux que dire que la feuille de perso suggère que le jeu a subit quelques modifications au passage, mais j’ignore lesquelles.



Ce qui a retenu mon attention


J’ai surtout envie de parler du détail principal qui m’a fait m’arrêter un peu sur ce jeu plutôt que sur n’importe quelle autre old-schoolerie.
Inspiré de loin par Donjons et Dragons, le jeu utilise ainsi les fameuses six caractéristiques de l’ancêtre, à savoir :

FORCE
DEXTERITE
CONSTITUTION
INTELLIGENCE
SAGESSE
CHARISME

Mais là où il devient original, et où je salue une idée intéressante qui me fait cogiter depuis, c’est que ces caractéristiques ne sont pas comptabilisées de façon numérique.
Non, dans Pits & Perils, un personnage est FORT ou il ne l’est pas, il est CHARISMATIQUE ou ordinaire, particulièrement INTELLIGENT ou juste dans la norme.

En général, chaque personnage a UN attribut, parfois deux avec de la chance au tirage aléatoire (ou s’il est un Voleur, qui est forcément DEXTRE en plus de ce qu’il a déjà).

Ainsi, vous pouvez avoir un Guerrier SAGE, un Magicien INTELLIGENT, ou un Prêtre CHARISMATIQUE dans l’équipe.

Et le fait de posséder un attribut ouvre le droit à des actions auxquelles le commun des mortels n’a tout simplement pas droit (ou alors avec de gros malus). Et le jeu ne liste pas ces actions de façon exhaustive, il se contente de clairement définir les 6 attributs et de laisser le Meneur de Jeu juger, au vu de la situation, si un jet est nécessaire pour tel ou tel personnage et situation.
Un Guerrier CHARISMATIQUE ne fera pas de jet pour commander des soldats, là où un Guerrier FORT en fera un.
Un perso SAGE pourra faire un jet pour pister des ennemis, là où ses camarades dotés d’autres attributs échoueraient de façon systématique.
Etc.

Dans un groupe d'aventuriers, les points forts des uns et des autres
sont souvent incontestés et spécifiques...


En fait, ce que je trouve intéressant là dedans, c’est que finalement on se rapproche davantage des codes de la fiction du genre qu’avec des caractéristiques chiffrées. Dans un groupe, il y a les personnages forts et ceux qui parlementent, et on se fiche de savoir s’il y a 3 ou 5 points d’écart entre leurs FORCE et leur CHARISME. Les rôles dans la fiction sont souvent clairement définis, et avec ce jeu, cela revient sur la feuille de perso. Chaque protagoniste a son point fort (ou deux), et pour des actions spectaculaires, il faut compter sur le spécialiste, ou alors tenter sa chance en étant hors de sa zone de confort.

Le fait que le jeu caractérise ainsi les persos de façon aussi drastique me donne à penser que, si les joueurs exploitent correctement le profil de leur alter ego (ce que des règles assez dures sur les chances de succès ont tendance à encourage), chaque groupe d’aventuriers va vraiment avoir son style unique et son approche à part des problématiques de l’aventure, selon les attributs disponibles chez ses membres.
Accessoirement, on notera au passage que ces attributs n’interfèrent PAS avec les chances de succès en combat (ça, seule la classe de personnage le fait), et du coup, c’est à la fois plus équilibré et très ouvert à l’interprétation des actions extérieures à la bagarre. Et ça, c’est très tentant pour un MJ comme moi.






Alors le jeu en lui-même a ses bizarreries statistiques et ses mécaniques volontairement datés (comme par exemple le tirage aléatoire des trésors en détail), mais aussi ses petites astuces sympathiques (comme la gestion des Points de Vie des monstres, qui permet d’ajuster de façon très souple les oppositions potentiellement féroces selon le niveau du groupe), et un système de magie assez intéressant (on n’est pas dans les gros grimoires et les sorts compliqués).

Globalement, j’ai une relation complexe avec ce jeu depuis que je l’ai lu, à peu près certain que je pourrais en tirer quelque chose de très intéressant autour d’une table, et en même temps légèrement perturbé par ses classicismes un peu trop poussés (comme l’utilité de plans détaillés et de figurines par exemple, même si ça n’est pas absolument indispensable).

Mais je ne peux que recommander d’y jeter un œil, d’autant plus qu’il est très abordable sous format numérique, et qu’il amène des idées intéressante à la mouvance OSR sans être un rétro-clone de plus.

Voilà.

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